Une chevrière attachée à son territoire

Sur le Pays Terres de Lorraine, nombreux sont celles et ceux qui agissent à leur niveau pour valoriser la filière locale et bio sur le territoire. Producteurs, transformateurs, distributeurs, institutions, gérants de commerces ou consommateurs : on a rencontré des femmes et des hommes engagés pour une agriculture bio et une consommation plus saine.
Nous sommes allés à la rencontre de Mathilde GRIFFATON, éleveuse bio de chèvres à Laloeuf sur la ferme La Mathilde.
Installée depuis mars 2019 à Laloeuf, proche de la Colline de Sion, Mathilde GRIFFATON élève une trentaine de chèvres de race Alpine et transforme l’ensemble du lait à la ferme. Toute sa production est commercialisée en circuit court. Elle a fait le choix de l’agriculture biologique.
« Être chevrière est un accomplissement. La démarche de la ferme est de respecter le vivant : respecter les animaux en leur donnant une alimentation saine basée sur l’herbe. »
Une ferme créée de zéro
Jeune, Mathilde a découvert les chèvres dans le film « Manon des sources », et a été inspirée par le style de vie de ce personnage. Elle a également choisi les chèvres, car ce sont des animaux faciles à manipuler et elle apprécie le caractère de cet animal. L’élevage caprin est aussi peu motorisé, même la traite peut se faire à la main. Il ne faut pas beaucoup de surfaces et de bâtiments pour s’installer en chèvres. Tout cela a amené Mathilde à son projet.
La ferme a été créée de toute pièce en 2019 sur 12 ha. L’élevage caprin étant peu développé sur le territoire, Mathilde a débuté avec 19 chèvres qu’elle a cherché dans le département du Rhône. Elle a progressivement augmenté le troupeau avec les naissances de ses propres animaux.
Éleveuse de chèvre, un métier étroitement lié au vivant
Mathilde est en contact permanent avec le vivant. Cela peut sembler évident, puisqu’elle élève des animaux, mais cette relation commence bien avant, dès l’herbe qui pousse dans les pâturages. Elle observe comment les chèvres la consomment, puis la transforment en énergie pour produire du lait. Même la fabrication du fromage s’inscrit dans cette dynamique vivante, puisqu’elle implique l’action de bactéries, de levures et de ferments. Mathilde doit tenir compte des cycles naturels et s’y adapter. « Il est important d’avoir un équilibre entre tous ces cycles, tous ces organismes vivants. » C’est parfois compliqué, notamment avec les aléas climatiques auxquels nous faisons face. Lors d’une année de fortes pluies, l’herbe semble abondante, mais la qualité n’est pas forcément là pour nourrir les animaux. Parallèlement, cette humidité crée un terrain favorable aux parasites — eux aussi organismes vivants — qui ont bien compris qu’ils pouvaient se servir des animaux pour se reproduire, ce qui engendre un affaiblissement de la santé des chèvres.
De plus, la production de Mathilde est saisonnière. En effet, les chèvres produisent du lait à partir de la naissance de leurs petits en mars, jusqu’à la fin de l’année. La quantité de lait suit le rythme de la nature, en particulier celui de l’herbe qui pousse. Dans le cycle naturel, les chèvres doivent produire plus de lait au printemps, pour nourrir leurs chevreaux, c’est aussi le moment où l’herbe devient plus abondante. Mathilde, note aussi que ce cycle saisonnier est cohérent avec son propre rythme, ce qui améliore sa productivité.
Un métier qui nécessite des compétences
Travailler avec le vivant peut parfois être déstabilisant.
Le fait d’être engagé en agriculture biologique limite les traitements sur les animaux. Mathilde comme la plupart des autres éleveurs bio va privilégier des approches alternatives. Les plantes et l’homéopathie tiennent une place importante pour soigner ses chèvres.
Mathilde participe à des formations qui regroupent les éleveurs de petits ruminants : brebis et chèvres. Cela permet à la fois de monter en compétence, mais aussi de rencontrer et d’échanger avec d’autres éleveurs. Elle échange volontiers avec ses collègues en cas de difficulté, et ils savent qu’ils peuvent aussi compter sur elle en retour. Comme tout métier, être éleveur ou éleveuse ça s’apprend.
Mathilde aime son travail, mais elle n’aime pas dire qu’elle est « passionnée ». Ce qu’elle revendique, en revanche, c’est d’être pleinement investie et de faire les choses à fond. Aujourd’hui, elle s’épanouit dans ce qu’elle fait, même si le métier est exigeant : il faut être présent tous les jours pour s’occuper des animaux.
Elle est aussi impliquée à chaque étape de la fabrication du fromage, depuis la production du lait jusqu’à la création du fromage. Cela nécessite d’avoir de nombreuses compétences pour répondre aux nombreuses tâches à effectuer.
Une chevrière attachée à son territoire et ses habitants
Mathilde est originaire du Saintois. Si elle est partie pour faire ses études, elle n’avait qu’une idée en tête, revenir s’installer dans ce territoire. Travailler à petite échelle permet de tout faire en local et donc de maintenir une activité sur le territoire. « Je suis fière de faire partie des acteurs économiques et agricoles de mon territoire. ». Sur le territoire, une dynamique d’entraide s’est mise avec plusieurs paysans. « J’ai l’occasion de rencontrer plein de monde ! Je rencontre et j’échange avec d’autres paysans, avec les acteurs des réseaux agricoles, mais aussi par exemple avec des personnes travaillant sur la question du paysage ». Par ailleurs, elle côtoie les habitants du secteur qu’elle nourrit puisque ce sont eux qui achètent ces produits. « Consommer ce que l’on produit dans le territoire, c’est du bon sens ! »
Mathilde a à cœur de partager son métier et d’en expliquer les aspects. L’été, elle accueille des groupes pour des visites de la ferme. Ceci est l’occasion pour elle de montrer ce qui se cache derrière le produit fini et d’expliquer son métier et le fonctionnement de sa ferme. Les visites sont importantes, car sur les marchés, elle discute avec les clients, mais il n’est pas possible d’entrer dans les détails.
Privilégier les circuits courts et les produits simples.
Mathilde invite les consommateurs à se recentrer sur l’essentiel en optant pour des produits en circuits courts. « Cela peut prendre un peu plus de temps, mais les produits ne sont pas forcément plus chers ». C’est aussi une occasion d’échanger avec les producteurs et de comprendre leur travail. « Vous savez qui vous faites vivre en achetant ces produits ». Elle recommande de privilégier les produits bruts, mais elle précise qu’elle ne cherche pas à donner de leçons ni à culpabiliser les consommateurs. « Il est impossible d’être parfait, mais il faut essayer de tendre vers quelque chose qui soit le plus cohérent possible ».

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